Sherpa, c’est le nom de Sonam, c’est aussi celui de son ethnie. Car les Sherpas ne sont pas seulement des porteurs, des guides comme on le croit souvent. Ils sont d’abord l’une des 105 ethnies qui peuplent les contreforts de l’Himalaya népalais, au-dessus de la ville de Lukla, porte d’entrée des sentiers de l’Everest. C’est là, à Pangom, perché à 2 800 mètres, qu’il est né dans une maison en pierres, au toit en bardeaux de bois, sans eau courante ni électricité.
À l’école, Sonam Sherpa a appris à lire, à écrire, à compter et à parler népali – et non plus seulement le sherpa. Rien ne le prédestinait à son parcours exceptionnel. À 16 ans, après la mort prématurée de son père, il fuit Pangom à pied, en cachette de sa famille. « Je n’avais pas d’argent. Heureusement, un voisin m’a aidé. J’ai découvert, à ce moment-là, qu’en ville tout se paye ! » Au début, à Katmandou, il comprend mal tout ce qu’il voit. Il travaille d’abord pour une agence de trekking montée par sa sœur aînée, prend des ...
Sherpa, c’est le nom de Sonam, c’est aussi celui de son ethnie. Car les Sherpas ne sont pas seulement des porteurs, des guides comme on le croit souvent. Ils sont d’abord l’une des 105 ethnies qui peuplent les contreforts de l’Himalaya népalais, au-dessus de la ville de Lukla, porte d’entrée des sentiers de l’Everest. C’est là, à Pangom, perché à 2 800 mètres, qu’il est né dans une maison en pierres, au toit en bardeaux de bois, sans eau courante ni électricité.
À l’école, Sonam Sherpa a appris à lire, à écrire, à compter et à parler népali – et non plus seulement le sherpa. Rien ne le prédestinait à son parcours exceptionnel. À 16 ans, après la mort prématurée de son père, il fuit Pangom à pied, en cachette de sa famille. « Je n’avais pas d’argent. Heureusement, un voisin m’a aidé. J’ai découvert, à ce moment-là, qu’en ville tout se paye ! » Au début, à Katmandou, il comprend mal tout ce qu’il voit. Il travaille d’abord pour une agence de trekking montée par sa sœur aînée, prend des cours d’anglais, de cuisine, de français, vole de ses propres ailes, vient en France, y travaille, y trouve de nouveaux clients. Très vite, Thamserku, son agence de trekking, monte en puissance, rendue célèbre par l’organisation d’expéditions pour des alpinistes professionnels. Elle est devenue la plus importante du Népal, tout en se montrant soucieuse du respect des populations locales, de leur culture et de l’environnement. Travaillant en famille, il possède aussi des lodges et deux compagnies aériennes, Yeti Airlines (16 avions) et Tara Air (55 % du marché des vols intérieurs).
Cette ascension s’est faite malgré les drames. Après la mort de son frère aîné emporté par une avalanche, après celle de son père, Sonam a dû affronter le décès de sa première femme, Pasang Lhamu, sherpani comme lui, dont il avait eu trois enfants. Pour montrer que les femmes népalaises pouvaient inscrire leur nom dans l’Histoire et être les égales de l’homme, elle avait, après plusieurs tentatives, vaincu l’Everest au printemps 1993. Une tempête l’a emportée sur le chemin du retour : elle fut élevée au rang de « lumière du Népal », et les enfants apprennent son histoire dans les écoles. D’abord anéanti par le chagrin, Sonam Sherpa a fini par se reprendre : ses enfants et son entreprise avaient besoin de lui. Puis il s’est remarié avec Anita, a eu un quatrième enfant. Cette réussite d’un fils de paysan népalais a quelque chose d’incroyable, mais elle n’est ni hasardeuse, ni imméritée. Sonam a créé une fondation qui aide les veuves des Sherpas, il a créé une caisse de retraite pour les porteurs, un hôpital à Lukla, puis une sorte de sécurité sociale, il travaille à électrifier son village natal, à installer l’eau courante… Il travaille au cœur du Népal où il faut négocier avec les royalistes, les maoïstes, les conservateurs. Il travaille parfois au milieu d’un champ de bataille qui a fait dix mille morts en dix ans, et côtoyé depuis des années les grands : Messner, Lafaille, Escoffier, Kammerlander, Dacher, Habeler, Kaltenbrunner…